Kyme d’Éolide (Turquie),
Enquête sur la nécropole nord
La cité grecque de Kyme d’Éolide, au nord d’Izmir et de Phocée, est explorée depuis 1982 par une mission archéologique italienne fondée par Sebastiana Lagona (Université de Catane) et dirigée maintenant par Antonio La Marca (Université de la Calabre). C’est dans ce cadre que la mission archéologique française en Éolide, dirigée par Stéphane Verger avec Rossella Pace au titre de l’UMR 8546, mène depuis 2012 une recherche sur les nécropoles et monuments funéraires de la cité.
Localisation de la cité
La cité éolienne de Kyme se trouve dans la commune d’Aliağa, sur la côte occidentale de la Turquie, à une cinquantaine de kilomètres au nord d’Izmir.
Deux tombes monumentales
L’enquête porte sur la nécropole nord, dans laquelle ont été reconnues plusieurs tombes monumentales de l’époque grecque. La première est constituée d’une chambre funéraire en pierre malheureusement pillée qui avait été retrouvée en 1994. Elle a fait l’objet d’un relevé complet et d’une étude en 2012. La seconde est un grand tertre funéraire qui est visible sur les photographies du site effectuées par la mission archéologique tchécoslovaque dans les années 1930 mais qui n’a été identifié qu’en 2009, à la suite d’un pillage qui a touché toute la partie centrale du monument. La mise en évidence et la fouille de la tombe centrale ont eu lieu lors de la campagne de 2012.
Fig. 1 – Kyme d’Éolide, le grand tumulus en arrière plan d’une vue du campement de l’équipe tchécoslovaque (d’après A. Salač et Y. Nepomucký).
Un grand tumulus tardo-archaïque
Le tumulus se trouve au sommet d’une colline qui domine toute la ville, son port et son territoire, ainsi que la route qui vient de la vallée de l’Hermos et de Sardes et qui passe par la ville de Larissa. Il a un diamètre d’environ 45 m et une hauteur de 8 m. La terre qui le compose, qui a sans doute été prise dans les environs du monument, contenait une abondante série de tessons de céramiques locales de la fin du VIIe et de la première moitié du VIe siècle avant J.-C. ainsi que quelques fragments de vases attiques à figures noires du début du Ve siècle avant J.-C. C’est aussi de cette période que datent deux pointes de flèche en bronze perses à trois ailerons et des vestiges de plusieurs alabastres en albâtre.
Au centre se trouvait un grand sarcophage en pierre à couvercle monolithe inséré dans un caisson d’orthostates et recouvert de dalles de remploi. La couverture avait été percée deux fois par les pilleurs et l’intérieur était entièrement bouleversé. Le fond du sarcophage était couvert d’une fine couche organique riche en restes de bois dans laquelle se trouvaient quatre petites tôles de plomb repliées d’époque indéterminée. Le seul objet du mobilier funéraire ayant échappé aux fouilleurs clandestins est une bague en or à chaton de cornaline portant en creux une scène érotique (un couple allongé enlacé) et présentant une réparation antique. Le style de l’intaille permet de dater l’objet de la fin de l’époque archaïque. L’absence d’ossements humains conduit à s’interroger sur la possibilité que l’on ait affaire à un cénotaphe.
Fig. 2 – Kyme d’Éolide, le Kelebek Tepe dominant le golfe de Kymè, vu du nord (photographie MAFE).
La sépulture d’un grand personnage du temps des guerres médiques
Le tombeau monumental date ainsi des premières décennies du Ve siècle avant J.-C. A cette époque, après la révolte des cités de l’Ionie, Kyme est revenue sous contrôle perse et c’est le port de cette cité qui reçoit en 480 la flotte du Grand Roi avant son départ pour la Grèce. C’est là aussi que les vaisseaux rescapés du désastre de Salamine prennent leurs quartiers d’hiver au retour de l’expédition. Compte tenu de la grande taille du tombeau et de sa situation exceptionnelle, on peut supposer qu’il renfermait la sépulture d’un grand personnage grec ou perse de cette époque. Son étude complète jettera une lumière nouvelle sur Kyme et sur l’Éolide sous la domination perse.
Fig. 3 – Kyme d’Éolide, le sarcophage central du Kelebek Tepe avec son couvercle et son entourage d’orthostates (photographie MAFE).
Équipe de l’UMR 8546 :
Stéphane Verger, directeur d’études EPHE
Rossella Pace, chercheuse contractuelle, Université de la Calabre
Vincent Jolivet, directeur de recherches au CNRS
François Ory, assistant ingénieur au CNRS