Le site étrusco-romain de Musarna

, par Marc-Antoine Rey

Fondé à la fin du IVe siècle av. J.-C., et occupé jusqu’au début du VIIe siècle, le site étrusco-romain de Musarna se trouve à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Viterbe, au centre du territoire de Tarquinia (fig. 1). Il a été fouillé entre 1983 et 2003 par l’École française de Rome, en collaboration avec la Soprintenda per i Beni archeologici dell’Etruria meridionale.

 

Par Vincent Jolivet


Fig. 1

Fig. 1 : Localisation de Musarna à l’intérieur du territoire de Tarquinia.

 

 

 

 

 

 

Une fouille de longue haleine

Fig. 2

En 1982, la découverte fortuite d’une mosaïque inscrite en étrusque, demeurée unique à ce jour a révélé le potentiel archéologique remarquable du site (fig. 2), notamment dans la perspective de l’étude de la romanisation de l’Étrurie méridionale, et ouvert la voie au déroulement d’une fouille programmée qui s’est déroulée dès lors chaque année pendant vingt ans. Si l’étude de l’urbanisme et de l’habitat domestique constituaient, au départ, le centre de notre problématique, il est vite apparu qu’il était important d’élargir au maximum l’étude à l’ensemble du site et de son territoire. Plusieurs secteurs de fouilles ont ainsi été ouverts : habitat ; enceinte ; nécropole hellénistique et nécropole impériale ; paysage agraire. Parallèlement, dans le courant des années quatre-vingt du siècle dernier, des prospections géophysiques réalisées par Alain Kermovant (université de Tours), couplées avec des sondages et des fouilles archéologiques, ont permis de restituer avec une bonne marge de certitude l’ensemble de la trame urbaine du site.
Fig. 2 : Vue générale du site depuis l’ouest.
 

Des résultats neufs

 

Fig. 3

Compte tenu de la rareté des fouilles d’habitat en Étrurie, la fouille de Musarna fournit une moisson d’informations nouvelles sur un type d’habitat assimilable à une colonie romaine, dont il devait exister de nombreux exemples en Étrurie. Occupant environ 5 hectares, la cité a été fondée sur un site déjà occupé au Néolithique récent et à l’Âge du Bronze moyen, et présente un plan orthogonal qui demeure, à l’heure actuel, le seul bien documenté en Italie centrale pour l’époque étrusque (fig. 3). Ses douze îlots d’habitations divisées par des rues dont la largeur est hiérarchisée en fonction de leur importance, équipées chacune d’un réseau d’égouts, sont occupés par des îlots disposés dans leur longueur.
 
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Fig. 4
Fig. 5

Nous y avons notamment fouillé un complexe de bains hellénistiques, dont il a été possible d’effectuer la restitution complète (fig. 4), une domus de plan canonique occupée jusqu’à l’abandon du site, ainsi qu’un vaste complexe artisanal et commercial (fig. 5). L’enceinte constitue probablement la mieux connue et la plus complexe d’Étrurie : le mur principal est précédé d’un avant-mur devant lequel s’ouvre un large fossé. De nombreuses tombes de la nécropole hellénistique et de la nécropole impériale ont pu être fouillées, nous permettant ainsi de retracer l’évolution des coutumes funéraires, et de procéder à des comparaisons fructueuses entre le mobilier utilisé dans la vie quotidienne et celui des tombes. Enfin, l’étude du territoire a permis d’établir une carte des sites et des nécropoles satellites, et de mettre en évidence un vaste réseau de tranchées de culture antiques, probablement liées au développement d’une viticulture intensive promue par des investisseurs romains, vers la fin de la République.
Fig. 3 : Plan restitué du site.
Fig. 4 : Maquette des bains hellénistiques.
Fig. 5 : Vue zénithale d’ensemble du complexe artisanal et commercial (cliché M. Letizia).

 

Programme de publications

 
Le volume considérable de mobilier recueilli au cours de ces différentes campagnes requiert une publication par volume thématique centrés sur différents centres d’intérêt. Alors que trois volumes ont déjà paru, consacrés respectivement à la topographie générale du site, aux bains hellénistiques, et à la nécropole impériale (voir infra, bibliographie), cinq autres, qui ne suffiront pas à eux seuls à épuiser la matière rassemblée, sont actuellement à différents stades de préparation : les cultes (O. de Cazanove et M. Dewailly dir.) ; la domus de l’îlot D (H. Broise et V. Jolivet dir.) ; la nécropole hellénistique (O. de Cazanove et E. Lovergne dir.) ; l’enceinte (L. Pulcinelli dir.) ; la céramique à parois fines (J. Leone). Tout en apportant une moisson de données nouvelles sur les différents édifices ou secteurs concernés, ces publications, comportant un abondant matériel bien conservé en contexte, constitueront un corpus de référence pour l’étude du faciès matériel de cette région de l’époque hellénistique à la fin de l’Empire.
 

Bibliographie

 

  • J. Andreau, H. Broise, F. Catalli, L. Galeotti et V. Jolivet, Musarna 1. Les trésors monétaires, Rome, 2003 (Collection de l’École Française de Rome, 304).
  • H. Broise et V. Jolivet, Une colonie étrusque en territoire tarquinien, Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1998, p. 1327-1350.
  • H. Broise et V. Jolivet (dir.), Musarna 2. Les bains hellénistiques, Rome, 2004. Collection de l’École Française de Rome, 344
  • É. Rebillard (dir.), Musarna 3. La nécropole impériale, Rome, 2009 (Collection de l’École Française de Rome, 415).