Réparer
Séminaire | Demi-journée
Séminaire | Demi-journée
Mardi 2 février 2021, 9h30-12h45, en visioconférence.
Séminaire Histoire de la construction organisé par
_ Le Centre de théorie et analyse du droit (CTAD) UMR 7074, CNRS - Université Paris Nanterre.
_ Le Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE).
_ et
_ Le Laboratoire Orient & Méditerranée. Textes Archéologie Histoire (UMR 8167, CNRS-Sorbonne Université-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
_ avec le soutien de l’EUR Translitterae.
Programme
9h30 Introduction par Hélène Dessales, ENS-Université PSL, AOROC-UMR 8546
9h45 Hélène Dessales, ENS-Université PSL, AOROC-UMR 8546
Comment redresser un mur qui penche ? La culture de la réparation à l’époque romaine
10h45 Dany Sandron, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, Centre André Chastel (UMR 8150)
Notre-Dame de Paris au XIVe siècle : le temps des réparations
11h45 Robert Carvais, CNRS, Centre de théorie et analyse du droit, UMR 7074, Université Paris Nanterre
Entretenir/Réparer Paris par le biais de l’expertise (1690-1790)
12h45 Revue de publications récentes en histoire de la construction
Résumés
Maître de conférences en archéologie à l’Ecole normale supérieure, Paris – Université PSL, Hélène Dessales est spécialiste de l’archéologie des techniques dans le monde romain, plus
particulièrement des ouvrages hydrauliques et des chantiers de construction. Ancien membre de l’Ecole française de Rome et de l’Institut Universitaire de France, elle appartient au laboratoire AOROC (UMR 8546) et coordonne plusieurs projets de recherche sur le site de
Pompéi. Achevé en 2019, le programme ANR « RECAP » (Reconstruire après un séisme. Expériences antiques et innovations à Pompéi) traite des modalités de reconstruction suite à un tremblement de terre.
Comment redresser un mur qui penche ? La culture de la réparation à l’époque romaine
Le déversement d’un mur est un désordre fréquemment observé dans le bâti, que provoquent des causes de nature diverse : vice de construction (défaut de conception initiale et de mise en oeuvre), ou encore impact imprévisible d’une catastrophe naturelle, comme dans le cas d’un tremblement de terre. Nous confronterons plusieurs sources textuelles avec des témoignages archéologiques de l’époque romaine, qui illustrent tous les enjeux des réparations à entreprendre. Cette culture de la consolidation, associée à la règle de l’aplomb, implique des solutions d’étaiement, très précisément mentionnées dans un passage de Sénèque, et des techniques de redressement des structures inclinées, avec l’usage éventuel de machines adaptées. Défi périlleux, le redressement d’un mur semble donc faire l’objet d’un
savoir technique maîtrisé dans l’Antiquité, à la fois par des observations précises et des pratiques de réparation bien diffusées à partir du Ier siècle ap. J.-C.
Bibliographie sélective sur le sujet
H. Dessales, « La connaissance des roches et son application par les structores. Le cas pompéien », in N. Monteix, N.Tran, éd., Les savoirs professionnels des hommes de métier romain. Études sur le monde du travail dans les sociétés urbaines de l’empire romain, Naples, Centre Jean Bérard, 2011, p. 41-63.
H. Dessales, « Entretien et restauration des aqueducs à Rome, au regard du traité de Frontin », in C. Abadie-Reynal, S. Provost et P. Vipard. (éd.), Histoire des réseaux d’eau courante dans l’Antiquité : réparations, modifications, réutilisations, abandon, récupération (Université de Nancy 2, CLSH, 20/11/2009-21/11/2009), Rennes, 2011, p. 13-25.
H. Dessales, “Not built in a day: awareness of vulnerability and construction techniques in Roman times”, in R. Carvais, A. Guillerme, V. Nègre, J. Sakarovitch (ed.), Nuts & Bolts of Construction History : culture, technology and society (4th Congress of Construction History, Paris, 2012), Paris, Picard, 2012, vol. 3, p. 471-477.
H. Dessales, « L’architecture prise en défaut : les malfaçons dans les bâtiments romains », in S. Bourdin, J. Dubouloz, E. Rosso (éd.), Peupler et habiter l’Italie et le monde romain. Etudes d’histoire et d’archéologie offertes à Xavier Lafon, Archéologies méditerranéennes, Aix-en-Provence, 2014, p. 157-162.
H. Dessales, « L’archéologie de la construction. Une nouvelle approche des monuments romains », Annales. Histoire, sciences sociales, 72e année, n°1, 2017, p. 75-94.
M. L’Héritier, C. Davoine, H. Dessales, Ph. Bernardi, “Regular building maintenance and long-term conservation in ancient times”, in I. Wouters, S. van de Voorde, I. Bertels (ed.), Building Knowledge, Constructing Histories: Proceedings of the 6th International Congress on Construction History (6ICCH 2018), July 9-13, 2018, Bruxelles, 2018, vol. 1, p. 31-38.
H. Dessales, « Les constructions en tuf jaune dans la Campanie romaine : usages et modalités d’entretien », in C. Davoine, M. L’Héritier, A. Péron d’Harcourt (éd.), Sarta tecta. De l’entretien à la conservation des édifices. Antiquité, Moyen Âge, début de la période moderne, in C, Aix-en-Provence, 2019, p. 59-69 (BiAMA, 26).
H. Dessales, J. Carlut, F. Filocamo, « L’entretien d’un aqueduc face au risque sismique : le cas de l’aqueduc du Serino (Italie) », dans M. Ronin, C. Möller (éd.), Entretien et restauration des infrastructures routières et hydrauliques de l’époque républicaine à l’Antiquité tardive (Journée d’étude franco-allemande du Cluster Topoi, Berlin, 2019, p. 135-160 (Berliner Schriften zur Rechtsgeschichte, Bd. 10)
H. Dessales (ed.), The Villa of Diomedes. The making of a Roman villa in Pompeii, Paris, Hermann, Centre Jean Bérard, 2020.
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Dany Sandron est professeur d’Histoire de l’art et d’Archéologie du Moyen Âge à Sorbonne Université (Faculté des Lettres) depuis 1998. Il avait rejoint cette université en 1993 comme maître de conférences après quatre années passées comme conservateur du Patrimoine au Musée de Cluny à l’issue de l’Ecole des chartes et de l’Ecole nationale du Patrimoine. Ses recherches et publications portent essentiellement sur l’architecture et les arts monumentaux des périodes romane et gothique à l’échelle européenne, avec un intérêt particulier pour leur dimension iconologique, révélatrice des principes et mécanismes sociopolitiques. Il est membre du Centre André Chastel (UMR 8150) et responsable de la plateforme Plemo3D. Il est membre du Conseil Scientifique de l’Etablissement Public pour la Conservation et la Restauration de Notre-Dame de Paris.
Notre-Dame de Paris au XIVe siècle : le temps des réparations.
Les plus anciens comptes de la fabrique de Notre-Dame de Paris, cet organe dépendant du chapitre cathédral en charge des travaux de construction, d’entretien et de réparations remontent au XIVe siècle (Arch. Nat. LL 270, copie du XVIIIe s.). A l’époque le gros-oeuvre de la cathédrale est achevé depuis plusieurs décennies mais les comptes nous renseignent sur toute une série de travaux, factuels ou de grande ampleur, liés au fonctionnement quotidien de la cathédrale comme à des opérations d’envergure. Ils mettent en scène le clergé qui assure la gestion financière d’un chantier permanent mais aussi la maîtrise d’oeuvre qui mène les travaux en donnant vie à tous les secteurs d’activité qui concernent différents matériaux (Pierre, bois, métal, arts précieux, vitraux etc…).
Grâce à cette documentation, nous pouvons dresser le tableau des activités multiples déployées sur le chantier d’entretien et de rénovation de la cathédrale.
Bibliographie sélective :
R. Gane, Le Chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe siècle : étude sociale d’un groupe canonial, Saint-Etienne, 1999.
Notre-Dame de Paris, dir. Cardinal Jean Vingt-Trois, collection La grâce d’une cathédrale, Strasbourg, La Nuée bleue, 2012
D. Sandron, « L’autre métamorphose de Notre-Dame de Paris : la réfection du décor d’orfèvrerie du sanctuaire (vers 1260-1340) », Mélanges en l’honneur de Klara Benesovska, J. Chlibec éd., Prague, 2015, p. 378-386.
D. Sandron, « Raymond du Temple et les architectes de Notre-Dame de Paris (milieu XIIIe-début XVe siècle) », Lexicon. Storie et architettura in Sicilia e nel Mediterraneo, 2016, n° 22-23, (n° thématique “L’arte del costruire: la formazione dei maestri tra Medioevo e prima età moderna”), p. 7-12.
D. Sandron, A. Tallon, Notre-Dame de Paris, neuf siècles d’histoire, Paris, Parigramme, 2013 (rééd. 2019 ; éd. anglaise Notre-Dame Cathedral. Nine Centuries of History, The Pennsylvania University Press, University Park, Pennsylvania, 2020).
D. Sandron, « Les cathédrales dans leur diocèse, un cadre privilégié de la transmission des savoir-faire », Le Chantier Cathédrale en Europe. Diffusion et sauvegarde des savoirs, savoir-faire et matériaux du Moyen-Age à nos jours, actes de colloque, I. Chave, Et. Faisant, D. Sandron éd., Paris, Ed. du Passage, 2020, p. 29-43.
D. Sandron, Notre-Dame de Paris, le monde d’une cathédrale (XIIe-XIVe s.), Paris, CNRS Editions, sous presse.
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Robert Carvais, historien du droit, directeur de recherches émérite au CNRS (Centre de théorie et analyse du droit, Université de Paris Nanterre), oriente ses travaux autour de la confrontation de sa discipline avec l’histoire des sciences et des techniques et vise à retracer la constitution des savoirs juridiques tant à travers l’étude des sources théoriques que des normes pratiques. Il a dirigé l’édition en ligne des Cours d’Antoine Desgodets (www.desgodest.net). Sa thèse d’État sur la Chambre royale des bâtiments doit paraître chez Droz. Il a co-édité Édifice & Artifices (2010), Nuts & Bolts of Construction History, (2012), Traduire l’architecture (2015) et L’histoire de la construction. Relevé d’un chantier européen (2018). Il lance la revue Ædificare (2017) avec Philippe Bernardi et Valérie Nègre. Il est président de l’Association francophone d’histoire de la construction. Il est actuellement porteur d’un projet ANR sur l’expertise parisienne du bâtiment (1690-1790).
Entretenir/Réparer Paris par le biais de l’expertise
1690-1790
Entretenir un bâtiment selon les vertus de l’environnement est, depuis quelques décennies, une préoccupation essentielle et récurrente de nos sociétés contemporaines abusées par le gâchis d’une société de consommation outrancière. Or, l’analyse d’un fonds cohérent et complet des archives de l’expertise constructive, nous permet de prendre conscience que depuis le XVIIe siècle une telle inquiétude en faveur de la réparation se manifeste à grande échelle. On bâtit certes mais on répare avant tout, face à la dégénérescence naturelle (ou vétusté) voire à celle provoquée par l’homme sur les constructions par ses actions ou ses inactions. Les experts sont amenés à évaluer le coût des réparations à venir, mais aussi – à l’instar de tous travaux – à évaluer celles qui ont été déjà réalisées. Il arrive fréquemment qu’ils fassent de même dans des situations toutes différentes comme l’estimation de la valeur de biens ou encore à l’occasion d’un conflit de voisinage à propos d’un mur mitoyen.
Sur le plan théorique, la littérature architecturale s’est intéressée à cette question à travers ce que prévoit le droit - ou la coutume - à cet égard (voir Savot, Bullet, Desgodets, Blondel…) en répondant aux deux questions pertinentes suivantes : à qui incombe d’effectuer l’entretien et de quel entretien s’agit-il ? Cependant, la dimension pratique de la question demeure entière. En effet, sur le plan technique, quels sont les éléments déclencheurs d’une réparation ? Le constat d’une malfaçon, le risque d’un péril imminent, la survenue d’une dégradation (fissures, infiltrations, fuites, infections) ou d’un accident (effondrement, incendie) ? En quoi consiste des travaux d’entretien ? Reprendre en sous oeuvre, colmater, améliorer ou démolir et reconstruire ? Sur le plan économique, comment sont estimées les réparations faites ou à faire? Le fait d’évaluer des reprises diverses permet-il de rester compétitif, Quelles incidences ces deux types de réparations ont-elles sur le prix d’un bien immobilier ? L’augmente-t-il lorsqu’elles ont été réalisées. Le diminue-t-il lorsqu’elles ne sont que suggérées ? Sur le plan juridique – point sur lequel nous insisterons– les experts se fondent-ils sur les préceptes coutumiers pour répartir les charges de l’entretien ? Les critères distinctifs et justificatifs de réparations prévus par Desgodets (nécessité/utilité ; grosses/menues ; impératif/facultatif ; vétusté naturelle/fait de l’homme) se retrouvent-ils intacts en pratique ? Quelles nuances les experts leur apportent-ils ? Si la rentabilité du bien est souvent mise en avant pour justifier des réparations, le confort, comme la protection patrimoniale, font leur apparition.
Bibliographie sélective sur le sujet :
K. Bethume, Gestion et entretien des bâtiments royaux autrichiens (1715-1794), Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2001
R. Bordeaux, Traité de la réparation des églises. Principes d’archéologie pratique, Evreux, 1852. Cette première édition était parue sous un titre différent : Principes d’archéologie pratique appliqués à l’entretien, la décoration et l’ameublement artistiques des églises, à l’usage des curés, des conseils de fabrique et des architectes et ouvriers appelés à réparer les églises rurales.
R. Carvais, (dir.), Les cours de Desgodets, www.desgodets.net, site mis en en ligne en 2013.
R. Carvais, « La coutume de Paris, épitomé du droit français sous l’Ancien Régime ? L’exemple des servitudes » dans Th. Belleguic et L. Turcot, Les histoires de Paris (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Editions Hermann, 2 vol., t. 1, 2013, p. 333-358.
R. Carvais, “A Digital edition of the didactic knowledge of construction: a critical edition of the courses of Antoine Desgodets, professor at the Académie Royale d’Architecture (Paris, 1719-1728)” in The Proceedings of the First Conference of the Construction History Society, edited by J. Campbell, W. Andrews, N. Bill, K. Draper, P. Fleming and Y. Pan, Queen’s College, Cambridge, 2014, p. 59-69.
R. Carvais, « Entretenir les bâtiments. Une préoccupation juridique essentielle chez les architectes sous l’Ancien Régime » in Ch. Davoine, A. d’Harcourt et M. L’Héritier (dir.), Sarta Tecta. De l’entretien à la conservation des édifices. Antiquité, Moyen Age, début de la période moderne, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2019, p. 23-35.
R. Carvais, « Pourquoi les architectes ont-ils adopté uniquement le droit coutumier comme cadre régulateur de leur profession ? », Noesis, « Philosophie et droit coutumier », 2020, 34, p. 267-287.
R. Carvais, « Un traité des servitudes et des réparations chez les architectes », in R. Carvais (dir.), Antoine Desgodets, entre théorie et pratique. Des fondements antiques aux savoirs de l’architecte moderne, Rome, De Luca Editori d’Arte, à paraître ;
Ch. Davoine, « Entretenir, refaire, restaurer. Distinction conceptuelles et catégories pratiques dans le droit romain », in Ch. Davoine, A. d’Harcourt et M. L’Héritier (dir.), Sarta Tecta. De l’entretien à la conservation des édifices. Antiquité, Moyen Age, début de la période moderne, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2019, p. 13-22
A. Desgodets, Commentaire sur les titres de la coutume de Paris concernant les édifices, héritages, servitudes et rapports des jurez [ou Traité sur les servitudes et réparations], Manuscrit inédit, 1723-1725, Bibliothèque du Sénat, Ms 95.
A. Desgodets, M. Goupy (annotateur), Les loix des bâtimens suivant la coutume de Paris… enseignées par M. Desgodets,… avec les notes de M. Goupy…., Paris, 1748.
J. Elmes, Practical Treatise on Architectural Jurisprudence in which the Constitutions, Canons, Laws and Customs relating to the Art of Building are collected from the best authorities, for the use of Architects, surveyors, landlords, tenants, incumbents, Chruchwardens and Ecclesiastical Persons in General, London, W. Benning, 1827.
J. Elmes, Practical Treatise on Ecclesiastical and Civil Dilapidations, Re-instatements, Waste, &c containing cases decided, precedents of notices to repair, examples of valuations, surveys, estimates, &c., London, Law-Printing Office, 1829 (3rd edition).
A. Le Bègue, Traités des réparations (lois du bâtiment). Réparations locatives. Gros entretien. Réparations usufruitières, grosses réparations, Paris, 1874.
H. Michelin-Brachet, L’entretien des personnes et des biens. Essai sur une catégorie juridique, Paris, Dalloz, 2019 (Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol. 187).
J.-J. Pialès, avocat au Parlement et canoniste, Traité des réparations et reconstructions des églises et autres bastimens dépendans des bénéfices avec un recueil complet des règlemens concernants les Economats de France, Paris, 1762, 4 vol.
J. Woods, An Essay on Dilapidations, London, London Architectural Society, 1809