
Apport du radar
L’apport des prospections géophysiques sur le site de l’abbaye de Preuilly 2011-2023
Pour plus d’information voir l’article : « L’apport des prospections géophysiques réalisées sur le site de l’abbaye de Preuilly 2011-2018 » par Michel Dabas, Gianluca Catanzariti et Alain Tabbagh dans le livre publié en 2021 : « L’abbaye cistercienne de Preuilly » (ISBN 9 78-2-9602029-3-9. hal-03481664).
Dans le cadre de l’étude non-destructive du sous-sol, un ensemble de méthodes géophysiques ont pu être déployées sur une grande partie du domaine de Preuilly. Ce type d’investigations, tout comme les études micro-topographiques, ont déjà été utilisées avec succès depuis de nombreuses années pour l’étude des abbayes et en particulier des abbayes cisterciennes. Des établissements très connus comme ceux de Rievaulx ou de Fountains Abbey (Yorkshire) en Angleterre ont ainsi fait l’objet d’études géophysiques depuis les années 1990. En France, on peut citer les études géophysiques des abbayes de Saint-Germain d’Auxerre (DABAS 2000), du Val-Richer (VINCENT et al. 2018), de Vezelay (SAPIN et al. 2015), de Saint Bris-des-Bois (MATHE 2008), de Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs (BULLY et al. 2011).
La méthode d’investigation non-destructive par radar-sol
Même si le principe de la méthode radar-sol (Radio Detection And Ranging) est ancien (1930), son application systématique à l’archéologie est plus récente (NOVO et al. 2012), années 2000. Le principe du radar consiste à émettre à l’aide d’une antenne dirigée vers le sol une onde électromagnétique haute fréquence (quelques centaines de MHz) et à recevoir sur une antenne réceptrice les échos qui se produisent sur les différents réflecteurs du sous-sol. Le paramètre physique dont dépend cette méthode est la constante diélectrique qui gouverne la vitesse de propagation des ondes électromagnétiques. On retiendra qu’elle est très liée à la présence d’eau dans le sol. Son intérêt vient de son excellente résolution spatiale (centimétrique) et surtout de la possibilité d’un contrôle fin de la profondeur des structures.
Bien que son utilisation devienne de plus en plus systématique pour rechercher tous les réseaux souterrains dans les villes (lignes électriques, tuyaux de gaz, eau, etc.), le radar demeure un appareil très onéreux. Son emploi en archéologie doit être parfaitement justifié par rapport aux autres méthodes moins onéreuses et plus robustes. Dans le cas de l’abbaye de Preuilly, nous n’avons commencé à l’utiliser qu’à la cinquième campagne géophysique en 2016. Dans sa mise en œuvre, le radar-sol reste très sensible aux conditions de surfaces des terrains (problème de couplage des antennes sur le sol). Les sols en gazon ou les surfaces en bitume ou pavées sont les plus favorables.
L’opérateur va parcourir le terrain à cartographier selon des profils parallèles dans un mode d’acquisition en continu (espacement entre mesures voisin de quelques centimètres). L’archéo-géophysicien peut traiter les données pour créer des sections verticales ou horizontales du terrain (dans la pratique, on définit une vingtaine de tranches de profondeur ou on essaye de visualiser en 3 dimensions les données).
Les antennes radar sont normalement déplacées à la main, mais depuis leur apparition récente (2010) des systèmes multi-antennes plus lourds et volumineux sont tractés par des véhicules tout terrain ce qui permet de couvrir plus rapidement des surfaces importantes (jusqu’à 1 ha en deux heures pour un terrain parfaitement dégagé). Ces dispositifs multi-antennes restent très couteux et complexes à tracter.
Deux radars de la société IDS (sous-traité par la société 3DGeoimaging, Gianluca Catanzariti) puis le radar Raptor de Impulse radar ont été déployés à Preuilly – Fig . 1 (acquisition par AOROC grâce à un financement de la région Ile de France DIM- “Patrimoines matériels – innovation, expérimentation et resilience »). Nous ne présenterons ici que ces derniers résultats.
Fig. 1. Raptor en mode tracté avec GPS RTK et mode « manuel » (station robotisée).
Les différentes campagnes de prospection géophysique
Depuis 2011 neuf campagnes géophysiques se sont succédées à la demande de François Blary (ULB Bruxelles) sur les terrains de l’abbaye de Preuilly et nous renvoyons à la monographie de 2021 pour de plus amples renseignements.
Les premières études (essentiellement électriques) on permis de cibler les zones où les structures sont les plus importantes (parterre devant le château, église et extérieur de la grange des Beauvais).
Les anomalies radar (fig. 2) ont confirmé l’existence des structures connues par des sources iconographiques (tours extérieures, bras nord du transept par exemple), mais aussi des indices détectés par photographie aérienne (bâtiment interprété comme une grange au sud-est). Sur la totalité de la surface périphérique, la majorité des autres anomalies montre des structures liées à un/des aménagement(s) paysager(s) qui ne sont pas documentés à ce jour (allées, bassins, parterres, …).
Enfin, que ce soit par la méthode électrique ou radar, l’existence du cloître est maintenant prouvée que ce soit son mur externe sud ou sa colonnade (fig.2). Par contre l’existence de bâtiments s’appuyant sur le mur sud du cloître et d’un autre dans l’axe de la salle capitulaire a pu être observé même si aucun plan historique à ce jour ne le montre. La relation entre le bâtiment dans l’axe de la salle capitulaire et celui détecté et interprété comme une grange n’avait pu être démontré avec les radars d’IDS mais devient claire avec l’image radar issue du Raptor. En effet, l’image obtenue avec le Raptor (fig. 2 droite) sur le cloitre montre une définition spatiale supérieure à celle obtenue antérieurement avec le radar IDS.
Fig. 2. Carte de réflectivité radar sur l’ensemble de l’abbaye (Radar IDS à gauche) superposée à la photographie aérienne et détail de l’image avec le Raptor sur le cloitre.
En résumé, les plans produits serviront nous l’espérons comme base de travail à la fois pour les chercheurs et pour les propriétaires qui, même s’ils étaient conscients de l’importance historique de leur propriété, ont pu visualiser pour la première fois l’épaisseur historique de leur demeure.
Bibliographie
BULLY et al. 2011
BULLY Sébastien, CAMERLYNCK Christian, FIOCCHI Laurent, BASSI Marie-Laure, « L’abbaye Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs (Jura) : les prospections géophysiques », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, 2011, https://doi.org/10.4000/cem.11873
DABAS 2000
DABAS Michel, sous le sol de l’abbatiale : les prospections géophysiques, dans Sapin Christian (dir.), « Archéologie et architecture d’un site monastique, 10 ans de recherche à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre », Centre d’études médiévales et Paris, éd. CEM et CTHS, mémoires de la section d’archéologie et d’histoire de l’art, Auxerre, 2000, vol. IX, p. 150-153.
NOVO et al. 2012
Novo Alex, Dabas Michel, Morelli Gianfranco, « Fast High-Resolution Archaeological Mapping : STREAM X tested at Vieil-Evreux (France) », Archaeological prospection, 2012, 19, 3, p. 179-189.
MATHE 2008
MATHE Vivien, « Saint Bris-des-Bois (Charente-Maritime). Abbaye de Fontdouce », prospection géophysique réalisée dans le cadre du PCR « Conditions d’implantation des monastères dans les pays charentais au Moyen Âge » coordonné par Cécile Treffort, Archéologie médiévale 38, 2008, p. 236.
SAPIN et al. 2015
SAPIN Christian, HENRION Fabrice, BÜTTNER Stéphane, « Les origines de l’abbaye de Vézelay et les débuts de son organisation claustrale (IXe-XIIe siècle) », Archéologie médiévale 45, 2015, p. 59-84.
VINCENT et al. 2018
VINCENT Jean-Baptiste, avec la collaboration de DUBOIS Adrien, HULIN Guillaume, MANEUVRIER Christophe et TABBAGH Alain, « L’abbaye cistercienne du Val-Richer (Calvados) : prospections microtopographique et géophysique d’un monastère disparu », Archéologie médiévale, 2018, 48, p. 129-152.