Stratonicée de Carie (épures d’architecture)
Jeanne Capelle

, par Christophe Batardy

Légende : Détail d’une épure tracée sur un mur du bâtiment de scène (J. Capelle)

 

L’étude porte sur une série d’épures d’architecture découvertes au théâtre de Stratonicée de Carie (Turquie). Après un premier repérage de tracés incisés en 2017 avec I. Boyer (normalien, Maths 2006), une autorisation d’examiner de plus près les maçonneries en grand appareil du théâtre a été obtenue de Bilal Söğüt (Université de Pamukkale), directeur de la mission turque, en août et septembre 2024.
Le dégagement complet du monument, sur lequel une thèse a été soutenue le 25 août 2024 par Tunç Sezgin (Université de Pamukkale) a permis de descendre tout récemment de plusieurs mètres, jusqu’au dallage des parodos. C’est ainsi que nous avons pu découvrir, de même que dix ans plus tôt au théâtre de Milet, toute une série d’épures à peine visibles à l’œil nu : finement incisées, elles sont tracées à la règle et au compas, sur différents murs des parodos et du bâtiment de scène du théâtre de Stratonicée. À l’exception d’un tracé géométrique correspondant à une rosace, il s’agit d’épures, ou dessins d’exécution pour différentes composantes du théâtre, réalisés sur le chantier de construction peu avant la taille des composantes d’après les dessins. La représentation typique en élévation « couchée » de plusieurs colonnes invite à reconnaître, dans certains au moins de ces dessins, des projets s’inscrivant dans l’important programme de remaniement augustéen, au cours duquel le théâtre de Stratonicée fut, avec celui d’Aphrodisias, l’un des tout premiers théâtres d’Asie Mineure à être doté d’un front de scène de type latin : avec ces sources de première main que constituent les épures, nous sommes projetés au cœur du processus de création qui conduisit à introduire dans les théâtres grecs de nouvelles formes importées d’Occident. Dans les années à venir, nous poursuivrons ce projet, débuté seule en 2024, dans le cadre d’une collaboration avec B. Söğüt et T. Sezgin, avec l’aide de l’architecte İ. M. Erker pour les relevés et la participation des étudiants turcs du laboratoire d’architecture de la mission de Stratonicée pour le scan 3D des élévations portant les dessins. Pour faire apparaître les tracés proprement dits, on recourra à la technique de la RTI (Imagerie par Transformation de la Réflectance). Il s’agira de mener à terme l’étude des épures déjà repérées mais aussi de chercher de nouveaux tracés au théâtre, dans une certaine urgence, car le projet de restauration actuellement en cours au théâtre prévoit le démontage puis le remontage de son mur de soutènement antérieur ouest, qui porte l’un des dessins les plus intéressants. Nous prévoyons aussi une prospection plus large, à la recherche d’épures dans les autres monuments en grand appareil de la ville de Stratonicée, comme le gymnase et le bouleutèrion, en particulier à hauteur d’homme et sur les orthostates, emplacements généralement privilégiés pour de tels dessins. Enfin, nous scruterons les maçonneries du sanctuaire d’Hécate à Lagina, où L. Haselberger, l’inventeur des épures du temple d’Apollon à Didymes, avait repéré des tracés en 1987, sans pouvoir les étudier.