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Syédra (Théâtre)
Jeanne Capelle
La fouille du théâtre de Syédra a débuté en août 2024, avec des financements d’amorçage d’AOROC, de PSL (Actions incitatives 2024, Global Seed Fund – Spring call 2024) et du Département des Sciences de l’Antiquité de l’ENS. Il s’agit de favoriser le dépôt d’une candidature auprès de la commission des fouilles du MEAE avec pour objectif le lancement d’une nouvelle fouille française à l’étranger. Ce projet s’insère dans la jeune mission turque dirigée par H. E. Ergürer. Il a été monté en partenariat avec l’EPHE, représenté par D. Rousset et C. Saliou.
Les ruines actuellement visibles de la petite ville de Syédra datent de l’époque hellénistique, mais plus encore impériale, et dans une moindre mesure byzantine. Le site connut ensuite un abandon propice à la conservation. Il s’agit de mener parallèlement la fouille et l’étude architecturale d’un théâtre présumé, encore enseveli. La confirmation de la découverte d’un théâtre s’ajoutant à un dénommé bouleutèrion tout récemment fouillé par l’équipe turque ferait de Syédra la seule ville de Cilicie Tracée à posséder deux édifices semi-circulaires à gradins, mais aussi la seule dotée d’un théâtre digne de ce nom : dans cette région montagneuse, on a donné aux petits édifices à gradins inscrits dans un plan quadrangulaire des appellations diverses qui trahissent des hésitations sur leur fonction, en comparaison des « théâtres » reconnus en Cilicie Plane, en Pamphylie et dans le reste de l’Asie Mineure. Nous abordons de front trois questions : la question de la polyvalence d’édifices qui pouvaient répondre à plusieurs usages (religieux et agonistiques, politiques et judiciaires notamment) plutôt qu’à une fonction déterminée ; celle de la diffusion des modèles architecturaux, des spécificités et des perméabilités régionales dans la panoplie des cités grecques, souvent présentée comme canonique ; celle, qui tient à l’histoire de la recherche enfin, de la construction moderne d’une typologie pouvant fausser notre appréhension des monuments antiques.
L’équipe est composée d’une vingtaine de chercheurs, étudiants et ouvriers venant de France et de Turquie, mais aussi de Suisse, de Suède, des États-Unis. Les levés topographiques et l’étude architecturale sont coordonnés par İpek Miora Erker, architecte indépendante. En 2025, Frédérique Marchand-Beaulieu se chargera de levés photogrammétriques et Gabriel Ramillon, étudiant de master à l’Université de Franche-Comté, réalisera son mémoire et son stage d’étude du bâti sur le théâtre de Syédra et l’hypothèse d’un échafaudage de gradins en bois encastrés dans le mur périphérique. Une première tranchée a en effet permis de mettre en évidence non seulement de nombreuses phases documentées par un très riche matériel, mais aussi de mettre au jour une partie d’un mur rayonnant qui pourrait avoir porté des gradins en bois similaires à ceux du petit théâtre voisin d’Antioche du Cragos. Le projet comprend aussi un volet épigraphique. En effet, H. E. Ergürer a bien voulu nous confier l’étude des inscriptions inédites qui sont dégagées chaque année par la fouille. Un article sur une dédicace impériale découverte en 2024, co-signé J. Capelle & H. E. Ergürer, paraîtra dans le prochain Bulletin de correspondance hellénique.